L'Oeil du Nord
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 [PV] Un jour d'hiver.

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Wiltor AileTranchante

MISSIVE ENVOYÉES : 25


[PV] Un jour d'hiver. Vide
MessageSujet: [PV] Un jour d'hiver.   [PV] Un jour d'hiver. Icon_minitimeDim 22 Jan - 11:58

    La porte de "l'antichambre" claque sèchement dans son dos, mais déjà ses pas l’emportent dans le couloir suivant, puis à l'intersection recherchée, devant le poste de garde secondaire, puis le poste de contrôle d'accès, se contentant chaque fois de saluer de la tête les soldats qu'il croise, il parvient rapidement à des tunnels plus larges, plus hauts, et où davantage de silhouettes s'affairent à passer. Dédaignant le flot qui se dirige vers les quartiers populaires de Dieppgard, vers les artères de la ville-ruche, sinistre canal pulsant et éparpillant le sang damné de la cité moribonde, Wiltor se dirige vers une zone commerçante, plus proche de son itinéraire. Ne trouvant pas d'enseigne de guérisseur, il finit par s'arrêter devant la porte d'une couturière.
    Pas le temps de trouver mieux. Dame Howlin peut arriver à notre rendez-vous à n'importe quel moment. Vite.
    Elle y est peut-être déjà. Plus le temps, entre !


    Il ouvrit la porte à la volée, se faisant machinalement la réflexion que la personne à l'intérieur avait eut la bonne idée de ne pas la verrouiller, et fit irruption dans la pièce comme une tornade, fonçant sur la pauvre tenancière, terrorisée, il la saisit par l'avant-bras et la fixa intensément. Elle paraissait la vingtaine, elle avait de longs cheveux roux, et les yeux verts. Elle aurait été magnifique si son sourire n'avait pas été rallongé de dix centimètres par un poignard. Il chassa ces pensées de son esprit et prit la parole.

    - Toi ! Tu sais coudre ça ? en désignant se son autre main le lambeau de chair pendant légèrement de sa pommette.
    La jeune damnée hocha la tête sans pouvoir parler, s'empara prestement d'une aiguille et d'un fil, et se mis au travail, plus effrayée encore que lui de lui faire mal. Voyant le travail appliqué de sa victime, il se surprit à éprouver comme une pointe de culpabilité. Aussi quand elle eut fini, avant de partir, il déposa une pierre précieuse sur le plan de travail.
    Sans un mot de plus, il sortit et se mit au pas de course, tout droit vers la salle de réunion, vers Dame Howlin qui s'impatientait peut-être déjà. Tout droit est un euphémisme, quand on parle de Dieppgard. La configuration des murs et quartiers, véritable dédale complexifié par une multitude de retouches de son cru rendait l'accès aux Quartiers d'émeraude particulièrement ardue à un non-résident de la cité, et donnaient aux voyageurs l'illusion de tourner en rond. Tandis qu'il se pressait, il observait avec un plaisir certain. Tout le monde connaît au moins son visage, ici, et malgré l'affluence dans les couloirs, personne ne le bouscule, ni même le frôle. Il s'est formé autour de lui comme une bulle de non-droit, un espace où les autres morts-vivants n'ont pas droit de cité; Wiltor est comme une lame plongée dans l'eau. Sur son passage, le flot s'écarte et se divise, pour mieux se reformer derrière lui.
    Éprouvant du bout de l'index sa plaie fraichement refermée, il se sentit légèrement rassuré par le contact du fil solide, des points réguliers et de la chair cicatricielle en formation. Courant toujours, il aperçut à une intersection un viking étonnamment fin et élancé qui se mit aussitôt à courir derrière lui, tentant de le rattraper tant bien que mal. Ricanant une seconde, Wiltor accéléra l'allure, et se mit à complexifier sa trajectoire. Le viking s'éloignait dans la file derrière lui, tandis qu'il savourait sa victoire et reprenait son itinéraire. Mais soudain, un elfe à qui il manquait un œil et une partie de la peau avoisinante se dressa devant lui, l'obligeant à faire une roulade vers un tas de tapis pour ne pas s'éventrer sur sa lance. Il se releva sans se presser, grommelant contre sa foutue négligence sitôt qu'il se croyait vainqueur, et accepta la main tendue de l'elfe. Une fois debout, il s'épousseta brièvement puis félicita très brièvement le soldat qui venait de le coincer. Celui-ci sourit et entama son rapport.


    - Le colonel a dit que l'hirondelle est en ville, et qu'il fallait vous le dire. Il a envoyé Prius aussi, et celui qui vous trouvait gagnait un jour de congé...
    - J'ai semé Prius tout à l'heure, comme tu le prévoyais, apparemment. La discipline semble être un concept abstrait pour toi... Ton jour de congé, tu viendras t'entraîner avec moi, puis tu iras donner un coup de mains aux ouvriers de la ville basse.
    - Oui, Lieutenant.

    Alors que le soldat se détournait, l'air piteux, Wiltor retient un grognement. Il préféra reprendre sa course vers les Quartiers d’Émeraude. L'Hirondelle savait fort bien attendre, si tant était qu'on la reçut bien. Il attendrait bien la fin de son entrevue avec Freyja.
    Comme si avoir pensé à elle avait ravivé ses doutes et son angoisse, il se mit à courir plus vite. Combien de temps avait-il perdu ? Quelle heure était-il ?
    Il aperçut soudain le viking, le dénommé Prius, qui lui rentra dedans sauvagement et le plaqua au sol, avant de se relever et se mettre au garde-à-vous. Lui aussi commença aussitôt son rapport.


    - L'Hirondelle est actuellement à la Chope Moussue, depuis environ une heure, et il dit qu'il arrive de Sylvan. Dame Howlin a été aperçue il y a une dizaine de minutes au départ de ses appartements.

    Complètement abasourdi, Wiltor regarda le géant aux yeux brillants, puis se releva a son tour. Il se demanda s'il devait lui couper des morceaux pour se calmer, ou s'il devait le prendre dans ses troupes personnelles. Bien que l'évènement en lui-même -taclé par un viking qui ne sent plus la douleur- était à réviser, Prius venait de faire montre d'adaptation, d'obstination, d'initiative et d'intelligence. Un cocktail très dangereux pour un soldat, autant qu'un atout. Il serra la main du géant, ce qui sembla l'abasourdir à son tour, lui ordonna d'aller chercher lui-même l'Hirondelle et de le prier de bien vouloir les rejoindre, lui et Dame Howlin, aux Quartiers d’Émeraude. Le "Oui, Lieutenant !" de Prius se perdit dans son dos, et il reprit sa course, plus tranquille. Il savait qu'il arriverait avant Dame Howlin. Si ce garçon avait dit vrai, elle arriverait environ cinq minutes après lui. Et l'Hirondelle serait déjà arrivée, si la chance le servait. Un tel interlocuteur, en plus de pouvoir détourner l'attention de Howlin de sa blessure, promettait d'être intéressante, voire utile; Wiltor était à l'écoute du moindre ragot concernant Sylvan, essayant de savoir ce qui s'y passait. Les difficultés que rencontrait leur dynastie étaient une aubaine en or pour les légions mortes, mais le silence que les elfes parvenaient à maintenir autour de leur maudite cité et de leur arbre honni ne laissait place qu'aux conjectures. Peut-être le vieux fou voyageur leur donnerait-il les réponses dont ils avaient besoin.
    Quittant peu à peu les sentiers les plus arpentés, l'elfe vit son environnement se modifier à mesure qu'il approchait de son but. Des couloirs qui peu à peu gagnaient en hauteur ce qu'ils perdaient en largeur. Il savait sans avoir besoin de le vérifier que de furtives meurtrières, çà et là, permettait à ses gardes de le voir sur la quasi-totalité de son parcours. La pierre des murs et du sol prit une allure plus soignée, plus lisse et mieux entretenue. Des motifs et des jeux de teintes firent bientôt leur apparition sous ses pas, alors que les portes qu'il franchissait semblaient chacune légèrement plus ouvragée que la précédente. Les Quartiers d’Émeraude, siège du pouvoir sous toutes ses formes à Dieppgard. Il s'engagea dans un couloir mais, y reconnaissant les échos de la voix du Pr Noxwell, il revint prestement sur ses pas et choisit un nouvel itinéraire, récitant à part lui la collection de noms d'oiseaux qu'il réservait au professeur. Forcé par ce détour à presser de nouveau le pas, il passa en trombe près du mess des officiers, dépassa l'entrée des cachots et obliqua vers sa destination. Lorsqu'il parvint enfin devant la lourde porte ornée de cuivres et d'armoiries, il prit le temps de calmer ses traits et ses pensées, frappa - sait-on jamais - et entra dans la salle sans plus attendre.
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Jeremiah

Jeremiah

MISSIVE ENVOYÉES : 8


[PV] Un jour d'hiver. Vide
MessageSujet: Re: [PV] Un jour d'hiver.   [PV] Un jour d'hiver. Icon_minitimeDim 22 Jan - 19:55

    Dieppgard... Encore une ville où Jeremiah aurait été ravi de ne jamais mettre les pieds s'il avait eu plus de choix. Mais le vent soufflait à l'Est, et comme toute hirondelle, il se laissait porter là où le vent l’emmènerait. Et d'autre part, ce n'était pas comme s'il pouvait se permettre de faire autrement. A peu de choses près, il venait de traverser le continent entier. Nulle route ne lui était méconnue, mais connaître la dureté du chemin ne l'en rendait pas plus court. Il était fatigué, sa bourse était vide, et il lui fallait trouver de quoi se refaire. Le vent d'Est lui avait indiqué son chemin, mais tout ce qui se trouvait à l'Est était peu désirable.
    En redescendant des hauteurs de Sylvan, quittant l'ombre du Grand Arbre, sa route n'avait pu éviter Vyrka, grande et belle cité, dynamique et pleine de courage. Mais ce genre d'endroits n'est guère accueillant pour des gens comme lui. Vyrka ne supporte pas les oisifs, et elle a de plus inventé une chose horrible nommée péage. Pompeusement appelé "octroi", cette taxe immonde empêche tout simplement les bourses vides de franchir les murailles. Comment espérer la remplir ? Tout cela manquait de sens. Et Jeremiah, pas malheureux mais en colère, dut passer la nuit serré contre la pierre froide et indifférente d'une borne routière, n'ayant que sa mauvaise humeur pour lui tenir chaud, une aide non négligeable quand il fait froid à pierre-fendre. Et dès le lever du soleil, l'hirondelle reprit sa route, vers le Sud d'abord, pour descendre l'Escalier de Glace, avant de tourner ses pas vers l'Est, délaissant tristement les plaines plus chaudes du Sud pour se diriger vers là où le soleil parait plus froid, le triste Est et les deux cités maudites, gagnées par l'ombre : Archeus et Dieppgard.
    La première était hors de question, Jeremiah vouait une haine farouche à ses habitants, sans trop savoir pourquoi. Les conflits d'intérêts lui étaient étrangers, et ne l'importait que de trouver une paille fraîche où passer la nuit. Mais ces pailles se faisaient de plus en plus rares à mesure qu'il tournait ses pas vers l'Est, de toutes manières. Restait Dieppgard et les sombres légendes de ses ruelles, la mort qui pesait telle un ciel d'encre sur cette forteresse sans vie. Mais tout valait mieux qu'Archeus. Il ne tenait pas à recevoir un coup de poignard sous le prétexte fallacieux qu'il pouvait "en savoir trop". Si Dieppgard était placée sous le signe de la mort, Archeus était sous celui de la paranoïa. Et quoi qu'assez négligent de sa personne, Jeremiah tenait à choisir sa mort. Ce serait donc Dieppgard, et bien que froide, la vie y serait sans doute moins dure que dans un fossé.

    Jeremiah révisa son jugement à peine arrivé face à la presqu'île, au petit matin. Il se tenait face à une grande étendue de mer couverte de brouillard, percée ça et là de rochers déchiquetés. Un constat si navrant, mais pourtant si évident : c'était marée haute. Pour Jeremiah, étranger à toutes les choses de la mer, il n'en était probablement ainsi que pour le contrarier lui, personnellement. Car en cette frontière d'un pays dont nul ne fait partie par choix, il ne se voyait pas le moindre abri, les arbres avaient depuis longtemps disparut, et seuls quelques rochers émergeaient à peine du sol. Tout ceci n'aurait eu aucune importance sans la pluie. Mais voila, il pleuvait ce jour-là, d'une pluie froide et drue, l'air autour de lui était gris, le brouillard et le ciel ne formaient qu'un, et à ses pieds, des vagues venaient lécher l'endroit où s'était arrêté la route. Serrant le col de sa pèlerine marron, à présent presque noire à force d'être trempée, Jeremiah finit par s'asseoir à même le sol, gardant sa chaleur contre lui, et resta là à fixer l'eau, jusqu'à ce que cette dernière daigne enfin se retirer.
    Au bout d'une heure à se faire rincer en silence, la mer commença enfin à refluer (cette garce), permettant à Jeremiah de se lever, d'avancer de trois pas, et de s'asseoir à nouveau, cette progression étant mieux que rien. Ce petit manège dura toute la matinée, et même au-delà. Huit heures durant, Jeremiah progressa au rythme fantastique de quelques dizaines de pas par heure, s'asseyant entre chaque progression sur des rochers gluants, sous cette foutue pluie qui ne voulait pas cesser. Les habitants de Dieppgard pouvaient dormir tranquille, nulle armée n'aurait un jour l'envie d'aller dans un coin aussi déprimant. Mais Jeremiah avait deux avantages sur cette pluie et cette marée qui semblaient vouloir le décourager d'aller plus avant : Jeremiah était la patience même, et il n'avait nul endroit où s'en retourner en cas d'abandon. Son objectif étant droit devant, cette folle épopée, ébouriffante de lenteur, se poursuivit jusqu'à ce que midi soit déjà passé depuis une bonne poignée d'heures. A ce moment, Jeremiah constata ce qui semblait ne jamais devoir arriver ; il n'y avait plus d'eau devant lui. Se redressant d'un bond, il s'élança d'un pas rapide entre les rochers découverts, couronnés d'algues, peu désireux de se faire surprendre par une nouvelle marée montante, puisqu'il ignorait en combien de temps ces diableries reviennent. Du peu qu'il puisse en juger par le peu de lumière qui traversaient nuages, brouillard et bruine, on approchait du milieu de l'après-midi quand il arriva enfin devant les portes d'Inn Gard.

    L'endroit était sinistre à souhait, délabré au possible. mais au moins, sous les tristes murailles brunes, nul péage et autres saletés du genre. Les visiteurs étaient déjà peu nombreux dans ce coin du monde, ce serait bien dommage de les faire fuir avec un droit d'entrée. Pourtant, en passant sous l'arche, Jeremiah trouva l'endroit plus animé qu'il ne le pensait. On se serait cru dans une ville normale, quoi qu'un peu en ruine, des rangées d'échoppes un peu crasseuses encadraient la rue principale, et malgré le temps une certaine populace allait et venait. Si l'on exceptait l'aspect délabré des habitants toutefois. Car à plusieurs il manquait des morceaux, littéralement, d'autres avaient d'affreuses mutilations là où le coup qui leur avait ôté la vie avait porté. Ce point excepté, la ville avait meilleure allure que ce à quoi il s'attendait, et il se trouva finalement heureux d'être arrivé. Jeremiah ne connaissait pas grand chose aux pratiques lugubres des nécromanciens de la région, et il trouvait leurs pratiques assez contre-nature pour lui donner la nausée à la vue de ces morts qui se promenaient librement. Mais si l'on ne prêtait pas attention à leur difformité et à la lueur blafarde de leurs iris, ils ressemblaient bien à des citadins comme les autres. Cette constatation rassurante poussa Jeremiah à pousser la porte de la première taverne qui se présenta sur son chemin. "La Chope Moussue", un nom à la hauteur de ses envies, apparut sur sa droite, quelques dizaines de pas après la porte, et il s'engouffra à l'intérieur sans plus de cérémonial.

    L'estaminet n'avait rien de reluisant, mais il était animé selon les plus anciennes traditions des tavernes : conversations bruyantes, bruits de verre et l'odeur forte des débits de boisson. L'endroit parfait pour lui. S'approchant du feu, Jeremiah ôta sa pèlerine trempée et la suspendit pour qu'elle sèche, avant de se tirer un siège contre le comptoir, le plus près du foyer possible, et gratta les fonds de sa bourse pour y trouver la pièce de la plus grosse valeur qu'il put. Quand on paye sa première tournée rubis sur l'ongle, les taverniers sont plus enclins à faire crédit. A contrario, ils se méfient toujours de ceux qui jettent une large poignée de petite monnaie, signe de précarité des moyens de paiement. Vieille ruse de voyageur.
    Son arrivée avait suscité un renouvellement des conversations, quelques clients connaissaient cette silhouette imposante, ce front large ceint d'un bandeau blanc comme neige, et cette éternelle pèlerine que nul intempérie ne semblait pouvoir achever. L'hirondelle avait bien froid, et s'employa à se réchauffer le corps et les tripes avec beaucoup d'entrain. Au bout d'une demi-heure, l'hirondelle avait prit un sacré coup dans l'aile.
    Ici, même la bière est plus corsée que nul part ailleurs, car il faut bien une sacré dose de gnôle pour réveiller les papilles d'un mort. Et sa soif étant à la hauteur du chemin parcouru, Jeremiah rattrapait son retard avec méthode et application. De fait, sa voix commença à porter plus fort que nécessaire, et son œil vif maintenant un peu trouble ne reconnut pas la lueur intéressée qui brillait dans celui d'un soldat qui remplissait bien charitablement son verre. A travers les brumes de l'alcool, Jeremiah s'entendit raconter d'une voix maladroite ses derniers voyages, bien content qu'un brave soldat remplisse si largement sa gorge profonde, qu'il remplissait derechef. Mais au bout d'un moment, la robuste constitution de Jeremiah ne put suffire à absorber tout cet alcool frelaté et propre à réveiller les morts, c'est le cas de le dire, et il s'endormit d'un bloc, la tête dans les bras, contre le comptoir. Le tavernier, confiant dans la solvabilité du client, le laissa dormir là, malgré ses ronflements d'ivrogne, tandis que le soldat s'éclipsait discrètement, non sans avoir recommandé au patron de retenir le dormeur si jamais il venait à bout de tout cet alcool lui noyant les tripes. Pour l'heure, il n'y avait aucun risque. Jeremiah était aux anges. Près d'un feu, un feu d'un autre genre dans le ventre, il avait chaud, son manteau séchait et lui avec, tout allait pour le mieux. A son réveil, il aurait faim, mais chaque chose en son temps. Il dormait toujours quand le soldat revint.

    Cependant, ses manières avait perdu tout aspect mielleux. C'est sans douceur qu'il lui secoua l'épaule pour le tirer de son sommeil aviné. Ses paroles n'avaient plus rien de sympathique, et Jeremiah, malgré le brouillard qui embrumait ses pensées, perçut se changement, dont il s’inquiéta beaucoup. Qu'avait-il encore raconté pendant son ivresse ? Un peu ahuri, Jeremiah sentit qu'on le levait de force de son siège en le tirant par le bras, et la voix du soldat, dure et cassante, lui parvint à travers les brumes de son ivresse :


    -"Dépêche-toi. On te demande tout en bas."



    Cette phrase lui glaça le sang et lui fit reprendre instantanément le contrôle sur sa personne. Tout en bas voulait certainement dire au plus profond de Inn Diepp, là où se tiennent les instances de pouvoir, ce qui pouvait être flatteur, mais aussi là où les pires choses se trament. Jeremiah eut un frisson de terreur en s'imaginant égorgé au détour d'un couloir, puis ramené à la vie pour servir l'armée de ces fous sans vie. Mais dans l'immédiat, il eut surtout peur de l'empressement du soldat, qui tapait du pied pour le faire hâter. D'une main tremblante, Jeremiah s'empara d'un tout petit verre d'un liqueur brunâtre et le vida d'un trait. La douleur et le cri de protestation de son estomac lui permirent de retrouver un peu de son sang froid. Il se dit qu'il n'avait somme toute pas le choix, et qu'être mandé "tout en bas" n’émettait pas de contestation. D'un pas résigné mais toutefois ralentit par la peur, Jeremiah décrocha sa pèlerine, heureusement sèche et chaude pour lui apporter un peu de réconfort, et suivit le soldat à l'extérieur.
    La pluie avait cessé, et le brouillard se levait, mais la ville lui apparaissait bien plus belle maintenant, en pensant qu'il allait sous peu s'enfoncer dans ses entrailles. Il regarda le soleil comme si ce devait être la dernière fois, puis suivit le géant en armure sous un arche, et vint le premier escalier. A peine dans le corridor, une triste réalité se rappela à lui : il était claustrophobe. Lui, homme des bois, ne supportait pas la proximité si immédiate de quatre murs de pierre, il se sentait oppressé, cerné, chaque carré de roche lui était menaçant. Et cela empirait à chaque marche descendue.
    L'horreur fut à son comble quand il remarqua pour la première fois que de fines embrasures permettaient à d'invisibles yeux de les observer, lui et son guide, à mesure qu'il s'enfonçait sous la cité. Il faisait de plus en plus froid, mais Jeremiah transpirait à grosses gouttes. Il se sentait près à tourner de l’œil. Heureusement, les murs cessèrent d'être aussi proches, le plafond d'être aussi bas, et bientôt les obscurs galeries cédèrent leur place à de brillants couloirs, comme dans un château, et en se concentrant sur cette idée, Jeremiah réussit à oublier qu'il était sous terre. Mais tout de même, pensait-il en passant de belles portes ouvragées, quel aspect misérable il devait offrir. L'haleine avinée, les genoux tremblants, le front trempé de sueur froide, le teint pâle, il était bien pathétique. A la pensée de pouvoir être prit de haut, Jeremiah redressa son dos, respira un grand coup, s'essuya le visage. Il ne sera pas dit que Jeremiah aura fait pâle figure dans cette situation. Quelque peu calmé, il sut se tenir à peu près convenablement durant les derniers mètres qui le séparaient de la salle où manifestement on l'attendait. Il devait être à une profondeur incroyable, tant il avait descendu, et il ignorait toujours qui voulait le voir. Mais ce sursaut d'orgueil lui permettait au moins d'avoir le pas ferme et assuré, et ses mains ne tremblaient plus.
    Quand le soldat lui indiqua la porte qui était manifestement le point final de leur descente, Jeremiah l'arrêta d'un signe de main quand il s'apprêtait à lui ouvrir la porte. L'hirondelle marqua une pause, penchée en avant, les mains sur les genoux, puis se redressa en prenant une grande inspiration. Il se sentait près. Le soldat poussa les battants, le faisait entrer, puis referma derrière lui. Dans la pièce se tenait seulement un homme, qui lui tournait le dos dans un fauteuil. En le voyant, il comprit instinctivement qu'ils ne seraient jamais amis, quelle que soit la nature de sa fonction. En entendant jouer les verrous, Jeremiah déglutit avec difficulté.


Dernière édition par Jeremiah le Sam 28 Jan - 17:30, édité 1 fois
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Wiltor AileTranchante

MISSIVE ENVOYÉES : 25


[PV] Un jour d'hiver. Vide
MessageSujet: Re: [PV] Un jour d'hiver.   [PV] Un jour d'hiver. Icon_minitimeMer 25 Jan - 16:54

    La pièce n'avait pas changé. Elle ne changeait jamais. Chaque fois qu'il pénétrait dans la petite salle à penser où Dame Howlin aimait recevoir ses visiteurs, il retrouvait les mêmes objets, toujours à la même place, au centimètre près. Les bougies, déjà allumées, semblaient avoir toujours la même taille lors de son arrivée, et il se doutait qu'il s'agissait là d'une des instructions de sa Reine, moyen simple et discret d'avoir toujours conscience du temps qui passe, là où les étrangers désorientés par la lumière ineffable et constante des sous-sols perdaient rapidement la notion des minutes et des heures. Les sièges, répartis aux quatre coins de la pièce et devant une grande table de bois, s'intégraient parfaitement dans le décor accueillant et un peu sombre qui baignait la salle, laissant l'oeil traîner sur les fresques d'arabesques compliquées qui couvraient les murs, dessinant des silhouettes qui semblaient se mouvoir sous le regard, sur la cheminée, déjà allumée, aux pierres travaillées avec art et dégageant une agréable odeur de chêne brûlé, sur les étagères foisonnants d'objets hétéroclites, de livres, de feuillets et d'une multitude de petits coffrets. Sur la table, les feuilles et cartes déployées semblaient n'avoir jamais bougé depuis le premier jour, mais Wiltor savait que seul l'agencement était le même, les feuilles présentes étant changées toutes les douze heures environ. Les objets qui accompagnaient ces feuilles encrées pouvaient changer, eux, apportant la seule variation du décor.
    En dehors de lui-même, la pièce était déserte, aussi se dirigea-t-il rapidement vers la table, examinant les divers objets qui la meublaient aujourd'hui. Une fiole à moitié emplie d'un liquide étrange et translucide, dont la teinte bleu-vert ne lui inspirait rien avait été posée au centre de la table, comme si on cherchait à l'éloigner le plus possible des bords. Non loin d'elle, un courrier d'un avant-poste proche de Vyrka, que Wiltor lui avait fait transmettre trois heures plus tôt. Il avait déjà été lu et annoté. Un verre et une petite fiole opaque suggérait un traitement à prendre par sa Reine, aussi les déplaça-t-il pour une étagère, afin de ne pas laisser trace d'une quelconque faiblesse de Dame Howlin.
    Revenant à la table, il remarqua un compas de mesure, une améthyste dont la couleur avait viré à l'orange-ocre suite à une exposition à une forte chaleur, et une petite pipe en argent ciselé, délicatement ouvragée. Ce détail le surprit et l'intrigua, puisqu'il n'avait jamais vu Freyja fumer ou faire la moindre allusion à ce sujet. Il se promit de lui poser la question après le départ de l'Hirondelle, et commença à préparer la salle pour le recevoir. Appelant un serviteur avec une clochette posée sur la table, il lui indiqua d'un geste de ramener une table ainsi que trois sièges du côté du mur où ronflait la cheminée. Le serviteur le salua et se mis en action avec empressement. Ancien serviteur d'un quelconque nobliau de Vyrka, il avait été tué alors qu'il surprenait par hasard un des agents damné, qui avait fait rapatrier son cadavre par souci de discrétion. Le hasard avait voulu que le jour de son arrivée, l'un des serviteurs de Dame Howlin avait trouvé la mort – encore – buvant d'un trait ce qu'il pensait être le verre de vin abandonné par sa maîtresse. La substance, extrêmement corrosive, avait rongé ce pauvre imbécile de l'intérieur en quelques minutes.
    Alertée par les autres serviteurs, la reine avait ordonné qu'on le laissa agoniser, et qu'on lui trouve un remplaçant sur-le-champ. Ainsi promu, l'homme ne s'était jamais plaint et avait toujours fourni un travail discret et efficace. Wiltor s'en moquait. Il comptait les secondes, redoutant l'arrivée de l'un ou l'autre de ses interlocuteurs avant que tout fut prêt. La table fut installée et trois verres y furent posés, ainsi que deux bouteilles de terre cuite, et le serviteur prit congé en silence. Wiltor détacha ses deux fourreaux et les posa au sol, à côté du siège qu'il s'était désigné, et s'installa sur ce dernier. Quelques secondes plus tard à peine, la grande porte par laquelle il était arrivé se rouvrit dans son dos, puis se referma. Le bien des verrous qu'on tournait lui fit croire un instant qu'il s'agissait de sa reine, mais elle n'entrait pas si vite, et la porte ne se refermait pas avec tant d'empressement. Il se leva, se retourna et contempla l'Hirondelle en silence. L'homme semblait d'assez bonne constitution, encore qu'il ne ressemblait absolument pas à un guerrier. Son regard semblait fixe et clair, mais qelque chose dans silhouette, sa stature rappelait qu'il sortait à peine d'une séance de beuverie assez réussie. Il se tenait droit, respirait aussi tranquillement que possible, et parvenait plutôt bien à camoufler son angoisse. Ses vêtements avaient un air d'éternité inlassable qui plu au mort-vivant. Wiltor sourit, hésitant un moment à faire voler en éclat ce fragile courage que l'autre avait réuni, dans l'espoir d'être convoqué pour un entretien comme un autre. Se rappelant ce qu'on lui avait dit de l'homme, il jugea finalement préférable de ne pas l'effrayer au point de le voir fuir Dieppgard sans espoir de retour. Il s'avança vers lui et lui serra l'avant-bras, à la façon des soldats, avant de prendre la parole.


    - Bonjour, l'Hirondelle. Nous avons des questions à te poser. Nombreuses et précises, alors tu devrais venir prendre un siège avec moi. Mets-toi à l'aise.

    Lui tournant le dos à peine sa phrase terminée, il se dirigea de nouveau vers son propre fauteuil, s'y ré-installa, et entreprit de déboucher l'une des deux bouteilles. Le liquide qu'il servit ensuite dans leurs deux verres était d'un vermeille sombre, et dégeait une odeur riche et légèrement sucrée. Il attendit que l'autre se fut assis pour reprendre, toujours sans le regarder.

    - On nous a dit que tu arrivais tout droit des terres de l'Arbre-Monde, et cela nous intéresse beaucoup. Vois-tu, il est très difficile de se procurer des informations sur les elfes et ce qui se trament chez eux, ces temps-ci. Aussi espérons-nous que tu sauras éclairer notre point de vue... Ses yeux se firent durs et tranchants, et il fixa l'ermite vagabond dans les yeux, un sourire matois sur les lèvres. Tu dispose bien des informations que nous recherchons, n'est-ce pas ?
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Jeremiah

Jeremiah

MISSIVE ENVOYÉES : 8


[PV] Un jour d'hiver. Vide
MessageSujet: Re: [PV] Un jour d'hiver.   [PV] Un jour d'hiver. Icon_minitimeMar 31 Jan - 15:49

Les yeux de Jeremiah clignèrent face à la lumière violente qui émanait de cette pièce, beaucoup trop belle et brillante pour avoir sa place si profond sous terre. Jeremiah n'avait pas connut beaucoup de châteaux, mais il supposait que celle-ci aurait eu sa place parmi ceux au style le plus recherché. La décoration était sobre tout en étant chaleureuse, et le parfait profane qu'était l'Hirondelle pouvait avancer sans se tromper que le propriétaire était un homme de goût. Une très grande table trônait en son centre, et l'on pouvait voir à la multitude de papiers qui semblaient importants, que de grandes décisions se prenaient ici. En voyant une cheminée, Jeremiah en déduisit qu'un incroyable réseau d'aération devait percer la roche de part en part. Un véritable exploit technique. Alors qu'il s'apprêtait à réfléchir sur l'origine du bois des fauteuils, Jeremiah se rendit compte qu'il était simplement en train de retarder le plus possible le moment où il devrait faire face et parler avec la personne qui l'attendait dans son fauteuil près du feu. Sa peur lui revint en une fraction de seconde. Seulement, il réussit cette fois à la chasser aussi vite, en voyant le personnage se lever. Cette fois, il ne pouvait plus y échapper. Une fois cette certitude acquise, dos au mur, Jeremiah n'eut d'autre choix que de faire bonne figure et laissa son naturel s'exprimer à sa place, pendant que son cerveau réfléchissait derrière à toute vitesse.
Le revenant lui faisait face n'avait rien d'agréable à offrir au regard. Le teint cireux, les cheveux comme ceux du mort qu'il était, sa silhouette était plus squelettique qu'humaine. Pour couronner le tout, dans ses yeux se voyaient la fureur propre à celle des morts qu'on a ramené. Jeremiah avait conçu depuis longtemps une théorie à ce sujet, mais se garderait bien de l'énoncer ici. Malgré sa démarche fière et calculée, l'Hirondelle se savait en présence d'un fou dangereux.
Et ce quoi que l'autre veuille lui faire croire, son salut franc et viril lui fit le même effet que si un serpent s'était enroulé autour de son bras. Mais en se concentrant sur les faits bruts et non pas la manière, Jeremiah réussissait à rester impassible. La tâche n'était toutefois pas aisée. L'autre ne lui fit pas le plaisir de lui apprendre son nom, quand lui semblait tout connaître sur lui, ce qui agaça ladite Hirondelle profondément. L'autre déclara avoir des questions, mais Jeremiah n'était plus très sûr d'avoir envie d'y répondre. Il faudra qu'il se renseigne un peu plus sur ses clients avant de suivre un soldat jusqu'au fond de la terre. Mais il y était à présent, jusqu'au cou, et il fallait jouer le jeu.
Tandis qu'il s'asseyait, Jeremiah voyait que l'autre regardait obstinément ailleurs, ce qui lui fit penser que tous les revenants de Dieppgard étaient bien ainsi, faux et fourbes. Mais son statut d'invité, si l'on pouvait dire, lui commandait de respecter son hôte, aussi il s'assit en face de l'autre aux yeux fous qui lui servit un verre, ce que Jeremiah aurait préféré éviter. Le mort reprit alors la parole, et lui parla de l'Arbre-Monde. Voila le fin mot de l'affaire. Ces filous veulent en savoir plus sur ce qui constitue très probablement un enjeu d'importance. Mais ce n'est que lorsque l'autre braqua sur lui un regard devenu cassant et mauvais que Jeremiah comprit que le duel venait seulement de s'engager. Il ne tenta pas de lui cacher la vérité, et il ne chercha pas à dissimuler dans son propre regard cet éclat qui confirmait les dires de l'autre, à savoir qu'il revenait bien de Sylvan, et qu'il savait en effet des choses. Jeremiah comptait bien vendre ses informations au plus offrant, les temps étant durs, mais il tenait à en négocier chèrement le prix. Avalant discrètement sa salive, Jeremiah se prépara à croiser le fer. Il ignorait le rang de son interlocuteur, mais son arrogance prouvait qu'il se trouvait plutôt haut (ou bas selon l'échelle de la ville) dans la hiérarchie. Seulement, tant qu'il ne lui avait pas donné, il pouvait se permettre quelques bravades. Il lança sa première riposte, sans prendre trop de risques :

-"Vos hommes sont bien informés monseigneur, et loin de moi l'idée de prétendre le contraire. Je reviens bien de la cité des bois, mais je doute que ce que je pourrais vous en apprendre soit d'un réel intérêt pour vous. Je ne suis qu'un vagabond, pas un espion, j'observe plus souvent les tavernes que les places fortes."


On allait voir jusqu'à quel point l'autre était renseigné sur lui. E il espérait bien que cette petite pique, ce jeu du naïf, le conduirait à lui en apprendre un peu plus. De toutes manières, il refusait d'abattre son jeu le premier, et le ton suffisant employé avec lui avait suffit à le braquer, tout vagabond illettré qu'il était.
C'est alors qu'il se rappela que l'autre avait employé le "nous", et il fit le lien avec le fauteuil vide attendant près du feu. De deux choses l'une : soit le mort en face de lui faisait partie d'un quelconque cercle avide d'en apprendre plus sur Sylvan, l'oligarchie de la ville ou autre chose encore, pour quelque raison que ce fut, soit ils attendaient une troisième personne, sans qui la partie ne pourrait réellement débuter. Il s'aperçut aussi de la disposition des fauteuils, et il fut clair comme de l'eau que la personne manquante avait une indéniable autorité, bien supérieure à celle de son interlocuteur, au point que celui-ci s’efface devant elle. Cela le renforça dans son idée que l'autre n'était qu'un sous-fifre fanfaron, et qu'à ce titre il pouvait se lancer dans un véritable duel avec lui, à couteaux tirés. Il ne vendrait pas ses connaissances contre une poignée d'avoine.
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Dr. Freyja Howlin
Admin et Fondatrice Ethérée

La Mère des Damnés
l'ombre de la cité maudite.
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JE SUIS : le règne nouveau.
RANG : couronne de Dieppgard.
METIER : dirigeante du peuple mort-vivant.
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MessageSujet: Re: [PV] Un jour d'hiver.   [PV] Un jour d'hiver. Icon_minitimeVen 17 Fév - 11:23


Parce qu'il faut qu'en matière de diplomatie, Vyrkä s'en mêle. Bien sûr. On ne laisserait pas sa petite soeur Thorgrim tomber dans les serres avides de l'ombrageuse Archeus. Car chez les morts, on se doute bien que c'est la convoitise qui jette des coups d'épées dans les rues de la cité commerciale. Le bacille archéen incube depuis plusieurs semaines déjà dans les entrailles de Thorgrim. Et on s'en frotte les mains. Et quoi, si les humains peuvent nous préparer le terrain, que demander de plus ? Qu'il se développe, corrompe, pourrisse même, et les Damnés n'auront plus qu'à se servir. Mais l'heure n'est pas encore au glas de Thorgrim.

Elle peut en revanche l'être pour Sylvan.

Pensive, la mère des Damnés promenait son regard de glace sur la carte étendue devant elle, se figurant ses enfants bien-aimés en marche pour la conquête de nouvelles terres. Elle croisa les mains en-dessous de son menton, laissant ses pensées se déverser sur les villes, hameaux et bosquets d'encre qui étaient tout autant de possibilités à satisfaire la soif de ses enfants. Lorsqu'un petit drapeau rouge accrocha son attention, Freyja Howlin ne put se priver d'un léger sourire qui dévoila ses longues canines. Les scieries Vikings. Ce courrier qu'Ailetranchante lui avait fait transmettre, la dame n'aurait pas pu le trouver opportun. Ainsi qu'ils l'avaient su de ce prisonnier viking quelques jours plus tôt, Sylvan avait haussé le ton face aux monstres de fer vikings qui dévoraient chaque jour plus de bois. Les menaces des elfes se faisaient plus véhémentes que jamais alors que Vyrkä se jouait d'elles, arguant que ces terres ne leur appartenaient pas, qu'elles étaient siennes, et, qu'en tout bien tout honneur, elle pouvait en disposer comme bon lui semblait. Cela sentait bon la correction à mains armées. Mais à quand ? Ce seul élément qu'il manquait aux Damnés, il se faisait pressant d'en connaître les détails.

Un froncement de sourcil perturba la visage de la dame lorsqu'elle ouvrit la fiole apportée quelques minutes plus tôt par un de ses serviteurs. Certes, la solution était d'une délicieuse couleur, toute parcourue de volutes souples et luminescents ; mais la vapeur qui s'en échappait ne semblait pas à la convenance du docteur. Elle en laissa glisser une goutte sur une des feuilles disposées sur la table. Avide, le liquide dévora instantanément le fin parchemin, et non content d'avoir ainsi évaporé en un instant les fibres de papier, continua sa course à travers l'épais bois d'orme de la table. Sur son passage ne subsistait qu'un long couloir de fumée.

« Qu'on ne range pas ces plans. Si le lieutenant AileTranchante me demande, dites-lui que je viens de sortir de mes appartements. »


Non sans un soupçon d'agacement, Freyja s'en fut dans les sombres couloirs de la ville damnée quérir le docteur Noxwell, un des deux soldats d'élite sur les talons. Elle s'en serait fort bien passée mais n'avait en ce moment ni le temps ni les pensées pour renvoyer cette garde permanente. Alors qu'elle passait la porte de la section scientifique des quartiers d'Emeraude, elle vit le lieutenant-capitaine Wildottir s'avancer à sa rencontre, la saluer consciencieusement et lui tenir son rapport. De ce qu'on disait, l'Hirondelle était en ville. De ce que le colonel Askadson disait. Et sur ordre direct du général Broke Garren, qu'elle disait.

«  Doit-on vous le faire venir, ma Dame ? Il dit qu'il arrive de Sylvan. 
- Qu'on l'accueille sans cérémonie. Prévenez qu'on ajoute un verre à la salle de réunion et qu'on le remplisse quand bien même l'Hirondelle serait déjà pleine à chanceller. Et qu'Ailetranchante se charge des formalités.  Je ne me ferais pas attendre longtemps. »


La dame parlait ainsi alors qu'elle se dirigeait d'un pas pressé vers les laboratoires. Les odeurs s'y faisaient plus âcres, plus entêtantes, plus pernicieuses que nulle part ailleurs. La dame y fut accueillie par le sourire de crocodile du professeur Noxwell.

« Ma dame ! S'exclama-t-elle non sans une pointe d'hystérie, tandis qu'elle s'inclinait en une profonde révérence. Ma si chère dame ! N'est-ce pas un élixir des plus savoureux !
- Certes. Si savoureux qu'il vous dévorerait lui même la gorge. »


A ces mots, Freyja posa presque violemment la fiole sur le plan de travail.

« Il me semble, professeur Noxwell, qu'il ne faille mettre de bornes à votre fantastique créativité. Mais si me faisiez le plaisir de... »


Comment dire ? Les gants se prenaient avec une personnalité si explosive que celle de Svenya Noxwell. La dame prit sur elle pour détourner sa phrase.

« Disons, de relever un défi ? Vous sentez-vous capable de concentrer la... « saveur » de cette potion dans ses vapeurs et non dans son corps lui-même ? De le rendre plus volatile, encore. Je veux quelque chose d'aérien. Dont la subtilité se trouve dans les volutes qui s'en émanent, et non dans la causticité de son liquide. Vous vous le représentez bien.
- Absolument bien, ma dame. Je vous en ferez un oiseau gracieux et mortel. Qu'il sera beau et bien fait !
- Heureuse de vous l'entendre dire. Je récupère ceci, cependant. J'imagine que le lieutenant Ailetranchante trouvera tout à son loisir de constater l'insuccès de mes précédentes directives.
- Jettez-lui au visage, cet-
- Je n'y manquerai pas. »


Reprenant avec elle la solution luminescente, Freyja Howlin fit prestement demi-tour pour rejoindre -enfin- la salle de réunion, sans laisser plus le temps au professeur Noxwell de jetter son venin sur le lieutenant. L'Hirondelle, hein ? Si ce que l'on disait se révélait exact, si l'oiseau migrateur avait précédemment fait escale à Sylvan, sa visite était on ne peut plus opportune. Lorsque le docteur arriva devant la porte ornée et subtilement décorée, on l'informa que son lieutenant avait déjà entamé la joute verbale avec l'oiseau rare déniché dans le recoin d'une taverne. On ne présumait pas de l'état actuel dudit oiseau, bien qu'il ait eut quelques temps à décuver. Freyja ordonna qu'on ne la présente pas à son entrée, et ouvrit la grande porte sans perdre plus de temps.

« L'Hiver est-il si rude que son blizzard fait échouer les oiseaux jusque sur nos côtes ? Ou la bière y est-elle si goûteuse qu'elle les y attire sans concession ? »

Clin d'oeil moqueur, évidemment, bien que le ton employé fut si insaisissable que l'on eut pu affirmer avec certitude que cela en fut bien un. Freyja Howlin s'avança dans la salle à pas mesurés. Ils connaissaient leur invité. Eux ne lui avait pas été présentés. Bien que nulle couronne sur les cheveux de la dame ne présumait de son statut, il eût fallu que l'Hirondelle soit naïve pour ne pas comprendre l'ampleur du bourbier où elle était tombée. Le feu de bois jetait des reflets chatoyants sur les murs de la pièce, si bien que les figures qui lui faisaient face ne furent qu'ombres à contre-lumière, tandis que Freyja, elle, se trouvait tout de face à la lueur du foyer.

« Messieurs. »
salua-t-elle simplement d'un signe de tête.
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