Givre et blizzard[Pv Mana Wenfall]

**Cendres**

Le blizzard, ce vent glacé parcours les étendues de Frözen, charriant nombre de débris, de la neige, de la glace. On raconte que les tourmentes les plus violentes peuvent décaper une pièce de métal, voire écorcher vif quelqu'un perdu au milieu et sans vêtements adéquats. Nul ne l'a jamais vérifié, sinon peut-être quelques fous qui n'en sont pas revenus. En règle général, quand on est censés, on reste chez soi, ou dans une ville, quand il fait ce genre de temps. Surtout qu'on ne sait jamais ce qu'on peu rencontrer au détour d'une rafale glacée. Frözen est une île pleine de surprises...

Ce jour, devant les portes d'Archeus, le blizzard tombe enfin, laissant une couche de givre sur tout ce qu'il a survolé. Tout est blanc, tout brille de son manteau étincelant, et glacial. Glacial oui, au moins comme la mort, sinon peut-être un peu plus. Les gardes ne s'attendent pas à voir quiconque entrer ou sortir avant un moment, personne de censé ne voyagerait dans une tempête telle que celle que les murs de la cité viennent d'essuyer. Hors justement, l'être qui arriva ce jour à la cité humain n'avait rien de censé. Rien du tout.

Capuche et manteau rouge, visage entièrement caché par le capuchon. Une silhouette courbée marchait dans la neige fraiche, semblant à peine peiner, comme à l'aise dans cet élément. Sa robe et son manteau rendaient flou tout ce qu'on aurait pu tenter de deviner d'elle, de son corps, de sa constitution. Ce qui semblait être une vieille femme sortait de nulle part et s'avançait vers la ville. Tandis qu'elle arrivait aux portes ou presque, dans le lointain, ce qu'on aurait pu prendre pour un tigre des glace s'éloigna. Mais les tigres des glaces se déplacent uniquement en meutes, c'est bien connu, et les rares solitaires ne s'approchent jamais tant que cela des habitations humaines. Ce n'en pouvait donc pas être un.

Quoique... entre cette vieille femme qui arrivait quand la tempête partait, comme pour lui laisser la place, et le tigre solitaire, on en serait pas à une aberration près ce jour-là... Oh ça non alors...

**Mana Wenfall** Championne Gladiatrice

Le blizzard était enfin tombé. Il avait entrainé dans sa chute une scintillante couverture de neige et de givre, et la ville lumière émergeait doucement de ce manteau de velours, s'éveillant en calme après la dure nuit qui avait fouetté les murs et les carreaux. Une silhouette rouge se distinguait dans l'air encore pâle et léger, silencieux pour quelques heures, ou plus que quelques minutes peut-être. Sa cape pourpre claquait à chacun de ses pas, et chacun de ses pas imprimait son passage dans la neige toute neuve. Mana enleva sa capuche, secoua la tête et poussa la porte de bois des escaliers qui menaient aux remparts. Elle prit gare aux marches humides et glissante, mélange de terre et de neige fondue, laissant courir sa main sur la rambarde de fer froid. Le chemin de ronde était calme et vide de gardes, quelques guets seulement s'écorchant les yeux sur le paysage aveuglant. Mana y balade un instant son regard, sur ce paysage, et soupire. Avec les plaques de givre qui le recouvrent, ce n'est pas encore aujourd'hui qu'elle pourrait sortir de la ville. Soudain, alors que les taches de lumière se confondent sous son regard, il lui semble apercevoir une silhouette animale traversant Petite Neige à toute allure. Fronçant les sourcils, elle s'avança contre les créneaux, mais le noir et le blanc se mêle dans ses yeux, et plus elle tâche de concentrer son attention sur cette silhouette, plus elle fond sur la plaine et disparaît. L'instant d'après, plus rien, juste le bruit d'un soldat qui passe derrière elle et qui lui demande si elle a vu quelque chose.

« Non, rien, ce n'est rien... »

Ce n'est rien. Elle se répète cette phrase alors qu'elle descend dans la basse-ville, rabattant sa capuche rouge sur son visage. Les rues se succèdent sans ordre, désordre et difformes, de toutes les tailles, toutes les hauteurs, toutes de la même couleur, sale. Mana pousse la porte d'une enseigne miteuse, y rentre sans manière, traverse la salle, pousse la porte de la réserve, descend un escalier bien camouflé, un escalier en colimaçon, un escalier froid et humide comme on décrit celui d'Undercity. D'autres couloirs, cryptes, uniformes, difformes, et une cour, l'air libre, enfin. Un hennissement retentissant accueille la jeune elfe.

« Oh là, mon bonhomme ! Ce n'est toujours pas aujourd'hui qu'on sortira... »

Comme pour s'excuser, elle s'approche de Karazhan, lui caresse doucement le chanfrein. Le cheval mort-vivant s'ébroue doucement. Ce n'est rien... Un papier, sur le mur, attire soudain son attention. Accroché dans le box ouvert de sa monture, il ne semble pas avoir souffert d'autre chose que le temps, et l'encre qui y a coulé est encore lisible.

Citation :: J'ai découvert quelque chose à propos de ta « souris ». Rejoins-moi au portes d'Archeus avant midi... Nous serons revenus avant ce soir, inutile de venir à cheval. Cleyanne

Etrange. Qu'à cela ne tienne. Rendez-vous portes d'Archeus.

Et si ce n'était que le froid... Mais les gens tout juste sortis de leur maison, et les étrangers, surtout les étrangers, aussi peu nombreux soient-ils, l'agacent lorsqu'ils la dévisagent. La capuche retombe sur son visage, laissant juste le loisir à quelques mèches blondes de jouer avec l'air, un air qui s'emplit des nuages de buée que les gens, les animaux, recrachent derrière eux. Mais devant les portes, plus personne que les gardes qui la saluent à peine. Impatiente, elle se hisse sur une caisse de marchandises abandonnée là, dans l'angle et l'ombre d'un mur, et son regard se pose sur la neige souillée maintenant sans réellement la voir, se plongeant lentement dans ses pensées. Pas pour longtemps. Quelques rumeurs s'élevant du groupe de soldats lui firent lever les yeux, et ils se heurtèrent à une silhouette courbée, avançant à pas mesurée dans la neige. Les conditions auraient été autres peut-être, ça n'aurait été qu'une vague ombre de la multitude humaine. Mais non, cette dame, cette vieille dame sûrement, avait quelque chose, quelque chose et ce n'était pas humain. Avec toute la politesse qui la caractérisait, Mana sauta de son perchoir au chemin pavé, dévisageant du coin de l'oeil l'inconnue. Elle faillit alors se heurter à un homme immense, tout de noir vêtu, qui continua sa route sans se retourner ni s'excuser. Fronçant les sourcils sans pour autant protester, la jeune elfe le suivit lui aussi du regard, et ne tarda pas à se rendre compte qu'il calquait son pas sur celui de l'inconnue. Des pas qui menait directement à la basse-ville, déserte à cette heure. Et dieu sait si une basse-ville peut être dangereuse pour l'étranger qui y pénètre.

« Bonjour, puis-je vous aider ? » une voix qui sonnait faux, un sourire réellement provocant à l'homme en noir. Ah, c'est pas drôle de se faire piquer son butin. Allons, rentre chez toi, sale type. Mais maintenant, c'était le visage baissé de l'étrangère qui se tournait vers elle. Elle avait beau être courbée, elle était bien plus grande que Mana, qui, d'en-dessous sous capuche rouge, crut apercevoir un lueur rougeoyante mais ne préféra pas y prêter attention. C'pas malin, fallait tenir la conversation, maintenant. Tiens, Mana, ça t'apprendras à prendre tant de plaisir à provoquer la rage des autres.

**Cendres**

Archeus, cité des hommes, grande œuvre d'architecture, lieu pieux parmi tous. Elle avait entendu l'histoire du peuple des humains. Les raisons de leur exil de leur terre natale, de leur arrivée ici. Thor, leur dieu, était fort. Odin n'avait rien à lui envier, mais il n'était pas possible de comparer les deux. Alice espérait voir un peu qui étaient ces humains de la lame de Thor, rencontrés en de rares occasions, voire parler un peu avec eux. Tisserande voulait trouver ici de nouveaux pigments, et des motifs différents pour exercer son art.

Elle s'amusait de voir les hommes souvent la regarder avec condescendance. Elle n'était après tout d'une vieille femme marchant dans la rue, une claudication plus ou moins marquée, donnant l'impression d'une faiblesse due à l'âge, au temps... Elle donnait l'impression d'être un peu perdue, une grande dame vouée à la déchéance de la vieillesse et de l'anonymat dans la boue de la cité.

Tisserande avait repéré l'homme en noir. Elle se doutait qu'elle se dirigeait vers les sales quartiers et en était embêtée. Si elle devait déjà abandonner sa couverture de vieille dame, cela risquait de compliquer son désir de visiter Archeus et d'y conduire ses affaires en paix... Tandis qu'elle cherchait une solution, elle remarqua une autre présence dans la rue. Elle avait assez combattu de ces chiens pour en reconnaître un, même capuchonné... C'était un... ou alors. Une... oui... une Elfe !

Réfrénant quelques siècles de haine ancestrale, elle se calma et resta dans son rôle de Tisserande. D'abord savoir ce qu'on lui voulait. Une Elfe ne valait pas plus qu'un simple bandit qu'elle gâche sa couverture. Elle se contenta donc de regarder son interlocutrice. Cape pourpre, capuchon assortit, yeux étranges, démarche qui ne trompe pas. Oui, c'était bien une Elfe. Celle-ci venait de lui adresser la parole, par bonheur quand elle s'était tournée vers elle. L'homme en noir sembla se crisper et les doubla d'un pas vif, vers ce qu'elle pensait être les sales quartiers.

Le sourire satisfait de l'Elfe, puis son air mitigé, confirmèrent la manœuvre de pure provocation qu'elle devinait, qu'elle sentait. S'accordant un sourire Tisserande décida de jouer son rôle, pour l'instant. Elle prit garde de ne pas lever la tête vers l'autre, et de ne pas la regarder dans les yeux, surtout pas. Pas encore. Elle prit une voix d'une douceur infinie, comme attendrie par le temps et les âges, et s'adressa à elle en ces termes :

Je vous remercie jeune fille, je ne connais pas très bien la cité. Peut-être saurez-vous m'aider... Je suis tatoueuse et conteuse. Je cherche en ces lieux des pigments, des motifs et des histoires. Ainsi qu'un peu de compagnie. Je pense rester quelques temps dans la cité, mais je n'y connais personne...

Relevant un peu la tête, Tisserande laissa apparaître un sourire bienveillant, ou du moins presque. Le peu que découvrait sa tenue de son buste et de son cou étaient tatoués pour la plupart, de même qu'une fine bande noire, fin d'un motif plus complexe, barrant son nez. Une mèche d'un blond-blanc sortit de la capuche et se balança devant son visage. Cette mèche semblait refléter une lueur rouge sang.

Elle pencha la tête sur le côté, comme un félin, attendant une réponse.

**Mana Wenfall** Championne Gladiatrice

« Tatoueuse et conteuse ? »

Mana avait répété cette phrase sans même s'en rendre compte. Et ben voyons ! Une tatoueuse et conteuse qui sort d'un blizzard comme celui-ci, mais bien sûr. Cette bizarrerie fronça les sourcils de l'elfe. Non, malgré sa voix douce et bienveillante, décidément non, cette inconnue ne lui inspirait pas confiance. Elle avait drôle d'allure, cette étrangère, avec son long manteau rouge et surtout, surtout ces tatouages, ces arabesques sombres et sans réelle signification. Du moins une signification apparente...

Jouer les guides touristiques ? Et puis quoi, encore ! Mana se mordit la lèvre. Cleyanne lui avait donné rendez-vous, c'est d'ailleurs pour briser son ennui qu'elle avait décidé de provoquer l'homme en noir. Non pas que poser un lapin au soldat humain ne la gêne, mais c'est plutôt ce qu'elle avait lu sur le mot qui lui avait mis la puce à sa longue oreille. « Souris » n'était qu'un nom de code, mais la jeune guerrière savait parfaitement où l'humain voulait en venir. Et puis, lui seul connaissait l'endroit où elle avait provisoirement installé Karazhan... Maintenant, il fallait assumer les conséquences de ses actes. Allez, ça t'apprendra à foncer tête baissée. Avec une mauvaise volonté savamment transformée en enthousiasme, Mana se força à sourire.

« J'imagine que vous devez être fatiguée par ce qui me semble être un long voyage, je me trompe ? Je ne saurais que vous conseiller une des auberges des quartiers marchands. Evitez la Pomme d'Or, ce n'est pas un établissement que l'on pourrait qualifier de calme et tranquille... Je suis sûre que vous trouverez à certaines tables des personnes aux récits épiques ou à l'oreille attentive. Quand aux pigments... 'chais pas, je fais pas attention à ce genre de choses. »

Elles s'éloignaient de l'entrée d'Archeus tandis que Mana parlait et jetait entre deux phrases un coup d'oeil autour d'elle. Bon sang, mais qu'est-ce qu'il fichait, cet humain ! Comme pour gagner du temps, elle fit mine de s'intéresser à la vieille dame, sans savoir elle-même réellement si les questions qu'elle posait lui importait ou non. Mais il semblait que oui, si c'était à une viking qu'elle parlait... Et c'en était une ! Sa taille, son allure, sa façon de parler ne laissaient guère de doutes là-dessus. Elle se hasarda.

« Vous êtes de Vyrkä ? »

Une seconde phrase faillit lui échapper. « Vous voyagez seule ? N'est-ce pas dangereux ? » Rien ne lui disait si elle était peut-être la dernière survivante d'un convoi en provenance de la cité viking, pris en embuscade dans la tempête de neige. Faute d'informations, on se tait. Et Mana se tut. Sans s'en apercevoir, elle s'était arrêtée au milieu de la rue qui commençait à se remplir, et s'était retournée vers la viking qui la suivait en silence. Le ciel était d'un bleu éclatant et le doux rayonnement du soleil, presque agréable. Cela aurait pu être une belle journée.

**Cendres**

« Vous êtes de Vyrkä ? »

Tisserande prit un instant de réflexion silencieuse. L'Elfe était soucieuse. Elle semblait attendre quelqu'un, ou quelque chose. Elle aurait pu garder le silence, répondre de milles façons tranchantes et dérangeantes. Mais elle décida d'interpréter son rôle préféré. Elle l'avait affiné depuis son retour, construisant autour de la Tisserande une réputation de mystique à moitié folle qui lui convenait fort bien. Elle y était à l'aise et s'en paraît à loisir, ouvrant les yeux à ses interlocuteurs sur des vérités parfois troublantes, posant plus de question qu'elles n'apportaient de réponses. Un jeu dans lequel elle se plaisait de façon indéniable, reflet dérangeant d'une réalité déformée par le masque qu'on lui appose sans cesse, chaque jour.

Cette fois-ci ne fit pas de différence. Tisserande avait devant elle une Elfe, dans Archeus. Elle semblait mal à l'aise, n'était vraisemblablement pas chez elle, plutôt loin de sa terre natale même. Ses façons laissaient penser que la raison en était plus ou moins sombre. Un invitation, une ouverture, un laisser-passer pour l'exploiter.

Vous posez des questions auxquelles vous connaissez la réponse,. Demandez-vous plutôt à vous-même "Vous êtes de Sylvan ?

**Mana Wenfall** Championne Gladiatrice

L'étrangère, sans se presser, choisit ses mots avec goût :

« Vous posez des questions auxquelles vous connaissez la réponse. Demandez-vous plutôt à vous-même "Vous êtes de Sylvan ?" »

Mana pâlit soudainement, et l'estime pour cette vieille dame descendit aussi vite que son assurance. Qu'est-ce que c'était que cette réponse, pour qui se prenait-elle ? Elle fut tentée un instant de lui renvoyer la même réponse, mais quelque chose l'en empêcha. La réaction étrange de l'inconnue avait accru sa méfiance, exacerbé son agacement. Garder son sang-froid était une chose qui s'imposait d'elle-même ; d'autant plus qu'une elfe ''normale'' n'aurait pas pris cette question à vif.

« Je l'étais. Le temps passe, les lieux restent les mêmes, les gens, eux, changent. »

Demandez-vous à vous-même... Suis-je de Sylvan ? La phrase de la viking avait jeté un vilain trouble qui ne s'affichait pas dans les yeux verts et éclatants d'arrogance de la jeune guerrière, mais qui se réveilla au fond d'elle-même comme les poissons d'un bassin dans lequel on jette une pierre. Cette remise en question avait plusieurs fois été jetée sur la table depuis l'épisode de l'arène, et même un peu avant. Et puis, qu'est-ce que ça voulait dire exactement, « venir de quelque part » ? L'ambiguïté de la question était un agacement comme un avantage. Oui, les questions ambiguës ont cet avantage de pouvoir être esquivée plus facilement …

« Ainsi, vous êtes de la cité d'Odin. Peut-être ai-je pu déjà entendre votre nom ; les gens d'ici connaissent beaucoup de monde. Beaucoup de choses, aussi, et surtout ce qui ne les regarde pas... »

Sur la fin de cette phrase sa voix s'était essoufflée, presque un murmure. Ses yeux ne cessaient de graver dans son esprit tous les détails qui pourraient lui servir, tout ce qu'elle pourrait savoir de cette inconnue sans en bousculer l'amour-propre. Soudain, Mana s'aperçut de ce qu'elle n'aura pas du dire. La viking lui renverrait sûrement la question. Sauf que là, contrairement aux autres fois, le mensonge passerait difficilement...

**Cendres**

"Des phrases toutes faites ne vous mèneront que dans un mur. Les lieux et les gens changent. A une vitesse différente, voilà tout..."

Elle sourit puis reprit, dans la foulée :

D'un autre côté, je ne pense pas qu'une rue soit le meilleurs endroit pour discuter d'affaires qui semblent vous préoccuper plus que vous voulez bien le croire. Ce qui ne m'empêchera pas de répondre )à votre question : on m'appelle la Tisserande, ou tout simplement Tisserande. Je tatoue et je peins sur cette chose magnifique qu'est le corps, et je raconte des histoires de ce lieu regorgeant de mystères, passionnant et en même temps dangereux, qu'est notre île.

Une Elfe ne s'intéresse pas sans raison à la cité des ennemis de son peuple. J'ose espérer que vous saurez me l'expliquer, pour vous. Une nouvelle histoire à conter n'en serait que plus vivante si j'avais pu l'écrire...

Tisserande releva la tête vers l'Elfe. Elle capta son regard et ne lui laissa pas la loisir de détourner la tête. Elle savait quel spectacle offrait son visage : des yeux rouges sombre, le rouge du sang frais qui coule d'une plaie. Des arabesques étranges qui couvraient une partie de son visage, noirs comme la nuit sans lune dans les désolantes. Ses cheveux, dont une mèche sortait de la capuche, d'un blond blanc. Enfin, cette aura légèrement dorée qui se dégageait d'elle, avec cette impression de liberté, montrant qui elle servait pas dessus-tout.

Elle sourit encore, dévoilant sa dentition de carnivore, lot d'un séjour au bons soins d'un docteur qui avait été amené à jouer encore un peu ici bas avec les êtres de ce monde. Tout comme ses yeux d'ailleurs. Dans son regard on lisait de l'amusement, un relent de regret, une once de haine, le reste était indéfinissable, saisissant l'âme et la figeant un instant dans l'incompréhension d'un être d'une telle complexité. Un être qui n'avait pourtant jamais demandé plus qu'une vie simple.

Telle était Tisserande, le reflet d'une gloire que lui attribuaient les autres, alors même qu'elle en venait parfois à se haïr de n'avoir su sauver ceux qui lui étaient cher. Elle n'avait pu que les laisser mourir. Leur offrir la mort même.

Se laissant examiner par l'Elfe, elle se plongea dans son regard d'un vert si intense...

**Mana Wenfall** Championne Gladiatrice

La réplique de cette « Tisserande » piqua Mana au vif. De quoi se mêlait-elle, celle-là ? Pour qui se prenait-elle ? L’elfe se renfrogna plus si c’était possible, et c’est alors que ses yeux rencontrèrent ceux de son interlocutrice. Des yeux couleur de sang, qui glacèrent le sien. Ils avaient dans leur pupille cette lueur évanescente et caractéristique de la non-vie ; celle qu’ont tous les morts-vivants. Un instant elle resta figée, le visage dénué d’expression toutefois, devant ces effroyables rubis scintillants. Haine, haine, et autre chose de plus doux, plus amer. Plus calme. Mais encore autre chose, aussi. Amusement ou moquerie ? En se faisant passer pour une viking, l’étrangère s’était ouvertement fichu de Mana, elle avait pris un malin plaisir à l’embourber, à lui faire croire à des affirmations toutes faites, pour la destabiliser au moment le plus propice et savourer son désarroi, le désarroi de s’être fait avoir aussi naïvement. Naïvement. Et pourtant, si l’on a bien une figure à opposer à la Wenfall, c’est bien le naïf. Trop de désillusions avaient accru sa méfiance naturelle, avait fait fondre la notion de « confiance » du visage des gens, l’avait rendue difforme comme une ombre d’on ne sait quoi.

Comme pour casser ce désagréable échange de regard, elle ramena une mèche de ses cheveux blonds derrière son oreille droite, celle qui était estropiée. Ses doigts frôlèrent une coupure qu’elle s’était faite au visage il y a quelques semaines de cela, et qui avait du mal à cicatriser. Elle se prit à penser que son amie la zombifiée, là, en face, ne devait pas avoir ce genre de problèmes…

« Bienvenue à Archeus, alors, Tisserande. Des affaires me préoccupent peut-être ; je doute vouloir les partager avec le, ou plutôt la première venue. Peu importe qu’il soit Elfe, humain… ou autre. »

Ces derniers mots avaient été difficilement arrachés de sa bouche. Les Damnés ne lui inspiraient aucune haine en particulier, non ; bien au contraire, elle leur devait, si on peut le dire ainsi, la vie. Cependant, cette inconnue qui jouait aux mascarades ne lui donnait pas franchement envie de s’éterniser. Et si elles quittaient la rue pour une taverne ou une auberge, alors son rendez-vous avec Cleyanne passait à la trappe. D’un autre côté, pensa-t-elle en pesant le pour et le contre, cette… Tisserande savait peut-être de précieuses informations… Mais en aucun cas elle ne devait laisser filtrer ne serait-ce qu’un seul indice de son projet… Le « plan souris » comme l’aimait à l’appeler son allié humain…

« Je m’intéresse à Vyrkä en saine curiosité comme je pourrais le faire pour Undercity. Je ne vois pas pourquoi la haine de mon peuple serait mienne. »

Cleyanne, dépêche-toi.

**Cendres**

Tisserande sourit. Elle avait, par une manœuvre simple, déterminé l'attitude de l'Elfe face à deux races différentes, ainsi que ce qu'elle lui voulait. Maintenant, elle l'avait vexée, froissée. Logique. Il s'agissait de rattraper ce point là désormais. Simple en théorie, un peu moins en pratique. Un moment de réflexion s'imposait, court si possible...

Une Elfe, qui semblait connue, plus ou moins, des gardes, et de la cité. Assez tout du moins pour mettre en rogne un potentiel tire-laine des bas-fonds. Elle s'intéressait à Vyrkä qui plus est, et pas qu'un peu. Une piste intéressante à exploiter. Il fallait cependant peser et choisir ses mots. Elle attrapa la manche de l'Elfe et lui murmure à l'oreille, dans un souffle et d'une voix d'une infinie douceur.

Je suis d'abord Valkyrie d'abord, berserker ensuite, puis viking. La condition de non mort n'est pas de mon fait. Si mon idée est juste je peux te venir en aide. Je t'ai montré ma dualité, j'ai joué la franchise, je ne veux pas te mentir. Pas si tu es qui je pense, ton aura est unique, princesse... Je doute que tu sache qui je suis derrière ces yeux, et je ne te le dirai ici... Mais peut-être ma description a-t-elle suffit. Ou pas.

Elle se recula et regarde Mana dans les yeux, droit dans les yeux, parlant sans illusions ni artifices.

Alors, Mana Wenfall, vainqueur de la huitième saison d'arène. Qu'en dis-tu ?

**Mana Wenfall** Championne Gladiatrice

La lame du berserk, la vitesse, son tranchant. Sa robe pourpre, sa robe liquide et brillante. Son acier tiède et impassible, sa course imparable. Rien qui ne puisse ressembler au calme et l’assurance souveraine de cette étrangère. Jamais une seconde Mana n’aurait pu imaginer que devant elle se tenait une de ces rares et puissantes créatures que l’on appelle Valkyries. Quand à savoir si cette Tisserande ne lui racontait pas des mensonges…

« Pas si tu es qui je pense, ton aura est unique, princesse...»

Ces propos piquèrent l’elfe au vif. Non, ce n’était qu’une coïncidence, elle ne l’avait pas appelée ‘’princesse’’ en connaissance de causes, non, ce n’était qu’une façon de parler, ce n’était qu…

« Alors, Mana Wenfall, vainqueur de la huitième saison d'arène. Qu'en dis-tu ? »

Elle n’en dit rien, elle reste immobile, emportée dans un invisible tourbillon de pensées et d’émotions qui laisse son visage de marbre. Les deux regards se soutiennent, mais les yeux verts de la Wenfall ne fixe la lueur rougeoyante qu’en apparence. Dans sa tête elle ne sait quelle attitude adopter, elle ne sait que dire, que réagir. C’est inutile de mentir ; elle le sait. Elle n’en serait que ridicule. Alors elle serre les dents, baisse la tête sans pour autant faire pareil avec ses yeux. Elle s’est sentie pâlir, de cette peau déjà trop claire, et un vague malaise, cette fois justifié. En abordant cette dame, jamais elle n’aurait pu croire qu’elle se ferait démasquer si facilement. Enfin, démasquer, c’est un bien grand mot… L’Armée la connaît, les gardes, les habitants… Mais bien évidemment, rien ne sort d’Archeus. Il viendrait un moment où le voile sera levé… Un moment où Sylvan aura enfin la réponse à ses questions… Mais laissons-les attendre un peu, ces elfes. Si ça les amuse.

Une autre question titille Mana, cependant : Comment cette viking connaît-elle son identité ? Un mélange d’admiration et de méfiance pour cette perspicacité, l’elfe décida de surveiller ses paroles ainsi que son attitude. Une inconnue qui tire de telles conclusions avec seulement quelques phrases échangées, c’en est… Effrayant.

« Je ne vous aurais pas cru si perspicace. Il ne sert à rien de vous mentir, si je comprends bien. Félicitations. »

Sa voix avait été grave et basse, mais froide et sans intonation. Malgré elle, elle se sentait curieuse de cette Tisserande, elle avait l’impression qu’elle pourrait en apprendre bien plus qu’elle ne l’espérait. Mais à quel prix ?

« Sylvan n’a pas l’air si intelligente que vous. Bon, je pense que vous avez aussi deviné que j’attends quelqu’un, car si ce n’était pas le cas je vous aurais déjà menée dans une auberge. N’est-ce pas ? »

A ces mots, elle ne lui laissa pas le temps de répondre, lui tourna le dos et s’éloigna d’un pas souple et rapide, sa cape claquant derrière elle laissant voir ses lames jumelles sagement rangées dans leurs fourreaux. Elle ne se retourna qu’une fois la main posée sur la porte d’une auberge de qualité moyenne.

« Ce quelqu’un attendra. Après vous ? »

Gamine impulsive.

[Désolée, j'ai du retard, beaucoup de retard, et en plus c'est d'une qualité médiocre x_x ]

**Cendres**

L'auberge était bien modeste, mais chaleureuse et relativement propre. Les deux femmes entrèrent et Tisserande repéra d'emblée une alcôve libre dans le fond. Elle se dirigea dans cette direction sans attendre, prenant soin de garder son personnage claudiquant, mais cependant sûr de lui. Elle prit place dans l'alcove, s'asseyant avec une apparente et convaincante difficulté. Elle pose ses mains sur la table, on y voit un ou deux tatouages qui dépassent des manches.

Elle attend que l'Elfe arrive, avant de commander. Elle fait à peine attention à la serveuse et à son interlocutrice. Sa phrase, sa seule phrase, a pu faire changer la princesse d'avis. ce qui était presque un hasard s'est révélé être une vérité. Intéressant. Nyval en aurait ronronné de plaisir. Elle se secoua mentalement et se concentra de son mieux. Elle allait pouvoir apprendre diverses choses plus ou moins utiles. Sans but précis, elle n'irait pas forcément très loin... Sans alliés dans Archeus, elle n'irait pas beaucoup plus loin non plus. Elle se résolu donc à voir ce que voulait Mana Wenfall exactement.

Sa chope d'hydromel commandée et servie, elle retira sa capuche, découvrant son visage dans son ensemble... (!)

Je suppose que vous donner mon nom complet ne serait pas superflu... Alice Weaver, aussi connue comme Tisserande. Merci de m'appeler par ce dernier patronyme le plus souvent possible. Les raisons me sont propres. Je pense que vous avons beaucoup à nous apprendre, l'une comme l'autre. Nos histoires respectives pourront en faire partie si le cœur vous en dit... mais d'abord, j'aimerai savoir pourquoi vous vous intéressez à Vyrkä.

**Mana Wenfall** Championne Gladiatrice

Leur table fut immédiatement choisie par la vieille dame. Son emplacement, en retrait de la chaude pièce principale, traduisait pourtant bien l'état d'esprit de nos deux protagonistes. Peu altruiste de nature, Mana laissa Tisserande s'assoir avec l'apparente difficulté propre à son âge avancé, et balada son regard sur les quelques personnes présentes. L'heure était encore matinale ; et par conséquent l'auberge était déserte, ses chaises bien rangées et sa cheminée ronronnante prêtes à recevoir les clients. L'elfe adressa un bref signe de tête, austère et sans ressenti à la serveuse en charge de l'échoppe, et enleva sa capuche, alourdie par l'humidité. La brusque chaleur des lieux avait rougi ses joues pâles, et c'est dans un geste presque inconscient qu'elle balaya d'un revers de main les cheveux qui lui tombaient devant le visage. Mana ne joua pas la carte de l'originalité dans sa commande et demanda elle aussi une choppe d'hydromel, histoire, dirons-nous, de la détendre un peu. Mais à peine le liquide mordoré se trouvait-il devant ses yeux qu'elle fut aussitôt intéressée par autre chose, et chose même surprenante.

Tisserande avait enlevé sa capuche, lui laissant tout le loisir de la dévisager.

Et ce fut à ce moment-là que Mana se rendit compte de la grossièreté avec laquelle elle s'était largement fourvoyée. Une succession de théories, de conclusions, d'hypothèses se bousculèrent dans sa tête. Ses pensées arrivèrent par vagues dans le désordre le plus absolu. Avec abstraction d'émotion quelconque, elle se gronda tout d'abord pour avoir réellement cru au jeu de la viking. Un instant en effet, elle se rappela que -et c'était bien connu- les morts-vivants ne vieillissent pas. Puis ce rappel fut tempéré par le fait évident qu'il n'y a pas d'âge pour se faire "zombifier" par les Damnés ; cette Tisserande avait joué la comédie, et non, pour cela, la stupidité de l'elfe n'avait rien avoir au fait qu'elle l'avait si bien faite marcher.

La vive colère fut de courte durée, car elle laissa bientôt place à l'interrogation. Les questions étaient comme écrites sur les tatouages de ce qui se révélait être le visage d'une viking d'âge, sinon moyen, du moins assez jeune. La couche de mystère qui venait se peindre sur ses yeux de sang ajoutèrent à la fois à l'agacement et à la méfiance toute respectueuse de l'elfe. Lorsque Tisserande ouvrit la bouche pour parler, d'une voix basse mais sûre, un déclic se fit dans l'esprit de Mana, une piste se révéla. Une double identité ? C'était donc ça ?

Alice Weaver... Oui, effectivement, en réfléchissant un temps soit peu, on arrivait à mettre rumeurs, histoires, faits et exploits sur cette guerrière de Vyrkä. Sans pouvoir s'étaler sur le sujet, Mana, de part notamment ses relations avec l'armée humaine, avait plusieurs fois entendu parler de cette Valkyrie... Mais ce qu'elle ne savait pas, et ce qui venait bousculer son esprit, c'était ces deux yeux rougeoyants, ces aspects de non-mort, un chapitre d'une histoire non dévoilée. Que s'était-il passé ? Et surtout, que venait chercher cette Alice Weaver à Archeus ? En effet, sous ce point de vue, les deux femmes avaient bien des choses à apprendre l'une de l'autre. Mais n'était-ce pas prendre un gros risque pour Mana que de dévoiler la raison qui la poussait à s'informer de Vyrkä ? Car cette viking, bien qu'elle fusse morte, semblait tout à fait attachée à sa patrie, sa terre de naissance, et c'eut été incongru de lui dire franchement qu'elle, Mana Wenfall, comptait rendre à la cité viking une petit visite surprise, juste histoire de libérer un de leur prisonnier, un prisonnier qu'elle ne savait pas au juste ce qu'il en était devenu ! Non, assurément, il fallait déjouer la méfiance de cette Tiss... Alice. Sinon, non, décidément, Elysio de Valance ne verrait plus jamais la lumière du jour.

" Puisque vous connaissez mon identité, alors il va sans dire que vous êtes au courant du fâcheux contretemps qui m'a mise à dos avec mon peuple d'origine... Est-il vraiment si surprenant, si l'on doit me retrouver dans une ville, que cela soit ici, à Archeus ? "

Une façon simple de mettre un peu à part le sujet de Vyrkä, en y arrivant progressivement et sans accroc, et en choisissant ses mots, en réfléchissant. Prenant le temps d'avaler une petit gorgée d'hydromel pour détendre ses nerfs, Mana laissa glisser un doigt sur le rebord de la choppe, lui faisant faire plusieurs fois le tour complet de la tasse, son regard absorbé par le reflet sanglant de sa bague de gladiateur sur le liquide mielleux.

"Il me semble l'avoir dit, ce que je considère comme évident : les haines de mon peuple ne sont pas les miennes. Toute expérience peut être enrichissante, et j'ai appris au péril de ma vie que les elfes et les vikings, opposés en tous points, ont de cela fort à s'apprendre tous deux. Vous l'avez vous-même sous-entendu en parlant de nous deux, ou peut-être est-ce comme cela que je l'ai perçu, sans que cette intention soit réelle."

La mise en place d'un scénario de circonstance se faisait petit à petit dans la tête de Mana alors qu'elle continuait à parler sans vraiment accorder d'importance à ses propos. Tisserande remarquait sans doute cette façon de tourner autour du pot, une façon que l'elfe n'avait guère l'habitude d'employer.

"Bon, fit-elle soudainement, arrêtant de jouer avec la choppe, signe qu'elle passait de but en blanc au sujet qui la tracassait. J'ignore si vous avez vous-même suivi les combats de la huitième saison... Et même si c'était le cas, j'imagine que vous ne devez pas vous souvenir de tous ces noms d'il y a trois ans. Je cherche quelqu'un en particulier. "

Sans dévoiler entièrement la vérité, Mana décida, malgré les évidents risques, de jouer la carte de la sincérité. Bien sûr qu'elle savait où Elysio se trouvait. Du moins s'il ne lui était rien arrivé. Le reste serait de l'inventé. On s'en sort comme on peut, hein ?

" C'est un Damné, et je pense qu'il s'agissait d'un prisonnier cherchant à regagner sa liberté. Les prisons d'Archeus n'en ont pas connaissance, et je sais que notre expédition elfique ne le trainait pas derrière ses chaînes. S'il n'est pas revenu à Undercity, comme pourrait m'en assurer Démosthène, son ambassadeur, alors les choix sont réduits. J'aimerais savoir... Si sa non-vie s'est arrêtée."

Et zut pour Démosthène.

[J'ai présenté mes excuses et énoncé les raisons de ce retard dans "Absences" et je me sens mal de t'avoir fait attendre si longtemps... Je tiens par contre à te prévenir que je serai absente pour les deux, trois semaines à venir, et donc que tu as tout ton temps pour la réponse (encore heureux !) ]

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